Sa volonté a été respectée, ce qui n’avait pourtant pas empêché les Comoriens de se rendre en masse à son enterrement. Artistes, personnalités politiques, militants de la société civile et des dizaines d’autres citoyens lambda venus des quatre coins du pays ont en effet fait le déplacement à Mitsamihuli pour dire adieu au leader emblématique du Mouvement de libération nationale des Comores (Molinaco).
C’était sans doute cela, l’hommage que l’ancien gouverneur attendait. Une foule reconnaissant son œuvre, son sacrifice et son patriotisme comme il en avait déjà eu droit lors de son retour au pays en octobre 1973.
C’est probablement ce jour-là seulement qu’il aura été, de son vivant, honoré à juste mesure car depuis et n’ayons pas peur de le dire, le pays et les autorités l’ont oublié. C’est peut-être aussi pour ça qu’il s’est refusé de bénéficier d’un hommage national. Lui qui savait pourtant qu’il en avait pleinement le droit. Sinon, pourquoi dire et redire qu’il n’en voulait pas. Un comorien lambda n’aurait jamais assuré ne pas vouloir d’obsèques officielles. Car oui nous lui devions des coups de canon.
Un coup d’épée dans l’eau
Pour ce combat de tous qu’il a si bien porté. Mais pourquoi honorer un mort futil Abdou Bakari Boina, si de son vivant il a dit ne pas le vouloir ? Et pourquoi l’honorer si de son vivant il n’a pas eu la place qui était la sienne dans ce pays qui lui doit sa liberté ?
La question se pose parce qu’aujourd’hui les compagnons de la première heure du défunt demande au chef de l’Etat de lui organiser des obsèques officielles. “je sais que le citoyen ne voulait pas de cérémonie officielle, mais l’homme d’Etat qu’il fut, le précurseur de la lutte pour l’indépendance doit avoir droit à l’hommage que mérite un homme de son rang”, déclare Ali Toihir Keke.
Cette demande a été faite lundi dernier lors d’une cérémonie religieuse organisée à Mitsamihuli en présence du chef de l’Etat. Azali Assoumani, absent du territoire national le jour de l’inhumation, a tenu à rendre à son tour hommage à l’ancien gouverneur et à rendre visite à sa famille. Le président de la République “a pris acte” de la demande d’Ali Toihir Keke.
Autrement dit, la possibilité de voir les obsèques officielles est réelle. Sauf qu’en répondant à cette doléance (s’il compte y répondre), le chef de l’Etat ira à l’encontre de la volonté d’Abdou Bakari Boina. Autant dire que son sacrifice pour ce pays, passé inaperçu de son vivant, n’aura pas été sa seule désillusion puisque en revenant sur sa volonté c’est sa mémoire que l’on n’honore pas.
Autre désillusion. Parce que c’est de ça qu’il s’agit : lui refuser l’une de ses dernières volontés. Pourquoi doit-on AUJOURD’HUI séparer le citoyen de “l’homme d’Etat” et du “précurseur de la lutte pour l’indépendance” quand hier encore la nuance n’avait aucune valeur ?
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C’est probablement inutile et infondé tout comme l’est le message publié lundi dernier par le service de communication de Beit-Salam sur sa page Facebook. Ledit service, par deux fois dans un message de 62 mots, a erroné le nom d’Abdou Bakari Boina. Par deux fois ils ont écrit BAKAR et non BAKARI. Ça a son importance.
L’hommage lui a déjà été rendu un jour d’octobre 1973, désormais laissons son âme en paix et tâchons d’être à la hauteur de ce qu’il nous a légué.