Le marché des nkandu, comme tous les ans, fait florès en ce mois de ramadhwani. Ils sont des dizaines à se retrouver, chaque matin, du côté d’El-Maarouf sur l’artère menant vers Volovolo, pour faire leurs emplettes. «C’est devenu, depuis 2006, la bonne adresse pour qui veut s’offrir un kandu de qualité, et pas très cher, en cette période de ramadhwani», allègue le jeune homme à la tête de ce «business», Abdoulkarim. Il y en a de toutes les tailles, et de tous les goûts.
En cette matinée de lundi 13 mai, un monsieur accompagné de son fils fait son marché. «Celui-là ne te sied pas très bien, choisis en un autre», suggère le paternel à l’enfant, en train de se jauger dans un nkandu couleur marron. Ce sera du blanc, finalement, pour le petit garçon. «Celui-là te va bien», tranche-t-il après essai. 3.000 francs la pièce. «Le prix, s’agissant des nkandu pour adultes, n’est pas négociable. Je peux, par contre, en fonction de la qualité, vendre les plus petits jusqu’à 2.000 francs», explique notre vendeur.
Il y a de cela deux semaines, ce jeune originaire de Selea ya Bambao était encore au Soudan, où il poursuit des études… d’Ingénierie pétrolière. Il semble pourtant, aujourd’hui, être bien dans son élément. «C’est ce qui, depuis toujours, m’a fait vivre. Dès que j’ai obtenu mon Bepc, je m’y suis mis, hstoire d’aider mon père», raconte-t-il. Alors, «il n’y a pas de complexe à avoir», Diplômé de Nile University, soit-on.
Ce séjour au pays est, disons, un peu obligé. «Depuis décembre on ne fait plus cours au Soudan. J’y suis en quatrième année et nous avons à peine eu le temps de finir le premier semestre», retrace-t-il. Ce pays est touché de plein fouet par l’insurrection sociale qui le secoue depuis le 19 décembre dernier. La crise économique y a créé un élan national de protestation, qui a conduit à l’éviction, le 11 avril dernier, du président Omar el-Béchir, après trente ans de règne. «J’ai vu passer le prix du pain, de 1 livre les quatre miches, à 2 livres la seule miche. Je vous laisse imaginer à quel point la vie a renchéri», affirme-t-il, loin toutefois de se laisser abattre. «Il faut voir le bon côté des choses. Ça fait toujours plaisir de revoir le pays, quatre ans et demi après».
Les nkadu sont étalés sur une bâche à même le sol, entre chemises et autres miharuma. Ils sont tirés de ballots qu’on se procure auprès de grossistes. «Le tout est de ne pas tomber sur le mauvais ballot». Au risque de voir la marchandise trainer des jours. Mais, en général, «nous arrivons à récupérer ne serait-ce que le prix d’achat du ballot. 125.000 francs. Quand les ballots ont été généreux et que les affaires vont bien, on peut rentabiliser en une seule journée».
Dès le mois prochain...
Ce qui ne semble pas être le cas en ce moment. «Les ventes ne sont pas encore au top. Nous ne sommes qu’au début du mois de ramadhwani et c’est dans les dix derniers jours, normalement, que les nkandus se vendent le mieux. Pour l’heure, il s’agit, surtout, d’occuper la place et de… mettre quelque chose dans l’assiette en vue de la rupture du jeûne», confie-t-il.
Dans ce business, Abdoulkarim alterne avec son petit frère, Abdoulfatah. Ce matin, cet étudiant en Administration économique et sociale (Aes) à l’Université des Comores, passe son examen. «Le week-end je dispense des cours d’anglais et il me relaie».
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Abdoulkarim espère retourner au Soudan dès le mois prochain, où les choses se seraient “plus ou moins calmées”.
Ils sont trois étudiants comoriens en Ingénierie pétrolière dans ce pays. Aux autorités comoriennes, il demande de faire jouer la carte diplomatique “afin que nous puissions avoir des opportunités de stage au sein des entreprises soudanaises”. Il faudrait également, «initier une politique d’encadrement de la future élite du pays, en octroyant chaque année des bourses aux meilleurs éléments, dans des filières d’avenir”. Comme celle du pétrole.
En attendant…
*Qamis