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Le premier journal des Comores

De la Fcf à la Ffc ou encore, La chronique d’une seconde naissance

De la Fcf à la Ffc ou encore, La chronique d’une seconde naissance

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La Fédération de football des Comorien (Ffc) – ancienne “Fédération comorienne de football”, Fcf – a vu le jour en 1979. Elle a mis un certain temps avant d’intégrer les instances internationales de la discipline. Cependant, depuis son affiliation à la Caf en 2000 puis à la Fifa en 2005, elle a enregistré des progrès constants. A l’image, d’ailleurs, de l’équipe nationale masculine A de la discipline : les “Coelacanthes”. Néanmoins, sur certains points, la manière dont a été gérée la patronne du sport roi du pays oblige à quelques interrogations.

 

Créée en 1979, la Fédération comorienne de football, “Fédération de football des Comores” ou Ffc depuis 2013, s’est fait connaitre au niveau international plutôt tardivement. C’est, seulement, plus d’un quart de siècle plus tard, en septembre 2005, sous la présidence de Salim Tourqui, qu’elle a intégré la Fédération internationale de football association (Fifa) après la Confédération africaine de football (Caf), cinq ans au paravent. “Dès l’installation de mon équipe à la tête de la plus haute instance du cuir rond comorien en 1997, notre principal objectif a été l’intégration de la Ffc à la Fifa”, se rappelle le premier patron du football comorien “sous l’ère Fifa”. Il lui a fallu huit bonnes années pour relever le défi.
Tout a commencé en 2002. C’était lors du congrès de la Fifa qui s’est tenu à Séoul, en Corée du sud, auquel les Comores ont été invitées en tant que membre observateur. Accompagné de son secrétaire général, Msahazi Soilihi, l’ancien patron de la Ffc a été reçu par le secrétaire adjoint de la Fifa, Jérôme Champagne, avec qui ils ont étudié les procédures à suivre pour affilier à la Fifa.
“Parvenir à intégrer les instances internationales, cela n’a pas été facile. On a dû faire face à plusieurs difficultés. Sans aucun soutien de l’Etat, j’ai dû user la plus part du temps de mes relations pour y parvenir”, se rappelle Salim Tourqui évoquant au passage le rejet qu’avait subi le dossier comorien lors du congrès de 2004 à Paris. “J’ai immédiatement commencé ma campagne pour le prochain congrès. J’ai fait le déplacement à Zurich pour essayer de convaincre le président de la Fifa, Joseph Blatter”. Ce dernier a, directement, appelé son secrétaire à qui il aurait recommandé de suivre de près le dossier comorien. Ainsi, avec le “soutien inlassable” de l’ancien président, les Comores ont intégré la plus haute instance du football mondial, en 2005, à l’occasion du congrès de Marrakech, au Maroc.

Course contre la montre
Pour y accéder, les Comores devaient disposer de leur stade international, d’une équipe nationale prise en charge par l’Etat comorien. Ce qui était loin d’être le cas à l’époque. Un an après son adhésion, ces manquements, constatés au niveau du dossier, ont fini par rattraper la Ffc.
Alors, elle devrait rapidement construire un stade, monter d’autres infrastructures mais, également, mettre en place des structures administratives aux normes.
Après l’intégration tant rêvée, la Fédération de football des Comores est entrée dans la “Cour des grands” (la formule est de l’ex-président). Elle s’est hissée à la 205ème place de la plus haute instance du football mondial. “Cela a facilité notre adhésion à la Caf, au Cosafa et à l’Uafa*. Il est vrai que ce ne fut pas facile mais comme on dit, tout début est difficile”, a analysé un ancien collaborateur de Salim Turqui.
En 2007, la fédération de football comorien, version Fifa, a inauguré le premier stade avec pelouse synthétique à Mitsamihuli. Fut-ce le lieu approprié? L’ancien patron de la Ffc a-t-il, tout simplement, tiré la couverture à soi, Mitsamihuli étant sa ville natale? Selon Salim Tourqui, l’envoyé spécial de de la Fifa, Jean-Michel Bénézet, trouvait que le stade de Moroni, la capitale du pays, situé entre de nombreux bâtiments dont le dépôt principal et siège de la Société comorienne des hydrocarbures, ne répondait pas aux conditions requises. “Moi, j’avais proposé le stade de Shamle mais, Bénézet a opté pour celui de Mitsamihuli”, révèle, un peu comme pour se dédouaner, le président.

“Regret” et “fierté”
Le Stade international Saïd Mohamed Cheikh abritera plus tard, en 2010, l’Académie Twamaya, une première dans le pays, pour développer le football de base. Cette dernière, a été prise en charge par la Fifa pour mieux préparer les jeunes à intégrer le monde du football et les clubs professionnels. “Lorsque je quittais la Ffc, je crois avoir implanté toutes bases de notre football. Le seul regret que j’ai aujourd’hui, c’est la fermeture de l’académie Twamaya. Nos enfants manquent des infrastructures qui leur permettraient de se perfectionner. L’académie n’a connu aucune amélioration et le lieu est resté le même qu’auparavant. C’est regrettable”, se désole Tourqui Salim. A entendre l’ancien président de la Ffc, sa plus grande victoire à la tête de cette institution, c’est d’avoir pu intégrer dans l’équipe nationale “nos enfants” de l’île sœur de Mayotte et les expatriés. “Une fierté pour moi”, jubile-t-il ou presque.
Les présidents successifs de la fédération ont beaucoup misé sur les Cœlacanthes A et semblent, parfois, oublier les autres sélections. Une pratique répandue dans nombre de fédérations africaines de football et d’ailleurs, sans qu’on en comprenne toujours les raisons.

 

Interrogations
Toujours est-il que tant que l’équipe senior produit de bons résultats, nul ne cherche, il est vrai, à s’en aller fourrer son nez ailleurs. Selon des sources bien informées, les responsables de ces institutions ont, trop souvent, l’habitude de puiser dans les fonds destinés, entre autres, au football féminin, aux ligues régionales et au football de base, pour financer l’activité de leurs équipes A. Est-ce qu’elles destinent, effectivement, l’ensemble des fonds concernés uniquement vers le fonctionnement des équipes seniors?
Pour ce qui est des Comores, une chose est sûre : en avril 2018, le cabinet Mazars Fivoarana, chargé par la Fifa d’auditer la Ffc, a fait part de plusieurs “irrégularités” et “incohérences” dans certains chapitres de la gestion budgétaire de l’instance comorienne. Le cabinet basé à Antananarivo s’était appuyé sur la subvention d’un peu plus 282,079 millions de francs accordée à chaque fédération affiliée à la Fifa. “Le suivi d’exécution des contrats des travaux d’aménagement des stades ou des terrains n’existe pas. Aucun délai d’exécution des travaux n’a été respecté sans qu’il y ait application des pénalités prévues dans le contrat… La Ffc ne dispose pas d’un comptable qualifié... Les copies des chèques émis ne sont pas jointes systématiquement aux factures. Et des paiements ont été effectués sur la base de pièces non probantes”, peut-on lire, entre autres choses, dans le rapport du cabinet.

Avis de tempête
Parallèlement à ses acquis indéniables, la fédération comorienne a traversé de nombreuses crises qui, parfois, peuvent paraître, comme étant à l’origine de la démission du premier patron de de la Ffc sous l’ère Fifa, après vingt ans de règne. Des soucis tant internes qu’externes qui, parfois, ont contribué à ternir son image auprès de l’opinion.
On peut relever, dans cette liste, le litige qui a opposé, en 2019, la Ffc à la Caf lors des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations. Les Comoriens estimaient, alors, que la Confédération africaine de football n’avait pas appliqué le règlement en ne sanctionnant pas le Cameroun qui s’était révélé incapable d’assurer, à la date prévue, l’organisation de l’épreuve qui allait, finalement, être confiée à l’Égypte. Ce qui aurait permis à leur pays d’accéder à la phase finale de la compétition.
La Fédération comorienne de football, sous Saïd Ali Saïd Athouman, s’était appuyée sur l’article 92 du règlement intérieur de la Can qui prévoit que si le pays hôte se voyait retirer l’organisation de la compétition à un an du début du tournoi, il était automatiquement forfait. Face à ce “refus d’agir” de la Caf, les Comores n’avaient rien lâché. Elles ont, notamment, porté le dossier devant le Tribunal arbitral du sport (Tas) avant, finalement, que Lausanne ne mette fin au rêve des Cœlacanthes de décrocher leur tout premier ticket pour la plus prestigieuse des compétitions continentales.

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De même, deux années auparavant, en 2017, lors de deux dernières journées décisives du championnat, des matchs notoirement considérés comme arrangés ont eu lieu entre Volcan club de Moroni et Elan club de Mistudje, d’une part et, d’autre part, entre le Jac Mitsudje et l’Union sportive de Zilimadjuu et se sont résolus aux scores incroyables de, respectivement, 20 à 0 et de 1 à 19. Ces comportements jugés nuisibles à l’esprit et à la bonne pratique du football ont conduit le gouvernement à la suspension du bureau exécutif de la Ffc. Cette décision de Moroni a été immédiatement contestée par la Fifa pour ingérence dans les affaires internes de la Ffc. Pour éviter que les choses “n’aillent plus loin encore”, pour reprendre une analyse unanime, alors, dans les milieux du sport, le président de la fédération d’alors, Tourqui Salim, a dû rendre son tablier.
Cependant, cette démission n’avait pas tout arrangé. Sous le nouveau président, Saïd Ali Saïd Athouman, d’autres “affaires” devaient surgir. Dissolution de la ligue de Ngazidja, suspension controversée de dirigeants, relégation pas très claire de Ngazi sport en deuxième division, fortes suspicions de corruption et de favoritisme, entre autres ont à nouveau fait sombrer la fédération et le football comorien dans les incertitudes.

Et le Conor fut…
Pour “mettre de l’ordre”, la Fifa, s’appuyant sur les articles 14 (alinéa 1) et 8 (alinéa 2) de ses statuts, a mis en place un “Comité de normalisation”, à la tête de la Ffc. Le 12 novembre 2019, le “Conor” a officiellement pris ses fonctions avec, aux manettes, Kanizat Ibrahim. Outre la conduite des affaires courantes, la nouvelle structure devait mener à bien les missions précises que sont l’organisation et la supervision des élections de la Ffc et des ligues de Ngazidja, Mwali et Ndzuani, la révision du code électoral et du code d’éthique de manière à les rendre conformes aux statuts et règlements de la Fifa. Cela dans un temps, là aussi, bien précis.
“La mission qui nous a été données n’était pas facile, mais nous avons respecté notre feuille de route. Je ne peux que me sentir fier car nous l’avons accomplie à 99%. Comme dans toute oeuvre, il y’a eu, sans doute, quelques couacs, mais ils ne furent pas aussi importants que ça. J’espère que le nouveau président va pouvoir aller dans ce sens et faire plus encore pour le bien de la fédération et du football comorien”, devait résumer, à ce sujet, l’ancienne présidente du Conor.
Il est vrai que Kanizat Ibrahim, secondée par Aliféni Djamaléddine au poste de secrétaire général, et leur équipe ont mené à bien leur mission avec brio. En deux ans, la structure intérimaire a su redresser la Ffc et mener à terme les tâches assignées, parmi lesquelles l’élection, en présence du directeur de la division Associations membres de la Fifa et actuel secrétaire général de la Caf, Véron Mosengo-Omba, d’un nouveau président de la fédération en la personne de Saïd Ali Saïd Athouman. “Le Comité de normalisation vient d’achever sa mission. Le Conor a su gérer efficacement les affaires de la Ffc et a permis sa réorganisation et son retour à la normale”, a salué le responsable de la Fifa visiblement satisfait des résultats obtenus.

L’Etat dans tout ça…
Si Salim Tourqui estime que l’Etat comorien n’a “pas joué un rôle central” lors de l’affiliation de la fédération à la Fifa, cela ne semble pas être totalement l’avis de l’ancien chargé de communication de la Ffc. “Avoir un siège faisait partie des conditions à remplir pour pouvoir intégrer la Fifa et l’Etat a mis un bâtiment à la disposition de la Ffc. De même, le gouvernement d’alors avait mis à la disposition de l’ancien président “tous les moyens financiers et autres” qui ont permis à la fédération de parvenir à son objectif ultime d’alors, à savoir l’affiliation à la Fifa, se rappelle Fayssoil Moussa.
Depuis, dans tous les chantiers de la Ffc, ou presque, l’Etat y est allé de sa contribution. Rien que dans le budget prévisionnel 2021 estimé à un peu plus de 982,750 millions de francs, l’Etat va couvrir les 30% pendant que la fédération doit s’acquitter de 7%. Le reste revenant à la Fifa. Par ailleurs, désormais l’Etat met, effectivement, les Coelacanthes dans son agenda. Il prend en charge l’hôtel, les primes des joueurs et a, parfois, affrété des vols pour le déplacement de la sélection. En sommes, on peut dire que, nonobstant quelques ratés à l’allumage, l’adhésion des Comores fut bien le résultat de l’engagement sans faille de toute une Nation.
Mahdawi Ben Ali

*Respectivement : “Confédération africaine de football”, “Conseil des associations de football en Afrique australe” et “Coupe arabe des clubs champions”.

 

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