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Société Ma-mwe / Encore un nouveau marché de 100 millions de francs sans appel d’offre

Société Ma-mwe / Encore un nouveau marché de 100 millions de francs sans appel d’offre

Économie | -   Nazir Nazi

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Après la publication d’une partie de cette enquête dans nos colonnes, du numéro 3382 du jeudi 08/03/2018 sur l’achat des compteurs à carte par Ma-mwe, à hauteur de 215 millions, sans appel d’offres, Al-watwan s’est procuré à nouveau, en ce début de l’année, d’une lettre parlant d’un investissement de 100 millions de francs comoriens pour le renouvellement de cette commande de compteurs. Pourquoi et jusqu’à quand va-t-on continuer à faire fi de l’article 62 du décret portant application de la loi n°11027/AU du 29 décembre 2011 portant passation des marchés publics ?

 

Trois mois après le lancement des nouveaux compteurs de prépaiement Sts sur le marché, la société comorienne de l’eau et de l’électricité (Ma-mwe) compte à nouveau lancer une commande d’un nouveau lot desdits compteurs. Malheureusement «sans appel d’offres» alors que la somme destinée à cet achat s’élève à hauteur de 100 millions de francs comoriens. Soit à peu près la moitié de la somme de la première commande, 215 millions de francs, effectuée sans appel d’offres aussi . Cette fois-ci, le «renouvellement de la commande des compteurs Sts» fait l’objet d’un débat interminable dans les coulisses de l’entreprise publique.
Dans une lettre de la direction administrative et financière de Ma-mwe, adressée au directeur général, portant comme objet «renouvellement de la commande des compteurs Sts», dont Al-watwan détient une copie, le Daf «sollicite le sursoit temporaire de cette opération».

Aucune urgence ne s’impose

Au lieu d’un sursoit, des spécialistes en passation de marchés publics, préférant garder l’anonymat, trouvent qu’il est temps que la société concernée s’aligne aux textes en vigueur, vu la politique énergétique du chef de l’Etat, afin d’éviter un «probable échec» sur l’achat des compteurs. «L’objectif d’un appel d’offres, c’est aussi de protéger l’acheteur pour des quelconques déceptions techniques», a-t-il expliqué.
Le courrier en question pointe du doigt la qualité des compteurs déjà achetés par rapport aux informations initiales du projet et approuvées par la Banque mondiale et conduisant au financement du projet pilote. «Il était question de compteurs Sts bien sûr mais en Split, pour la sécurité (anti-fraude), la rentabilité et l’efficacité du service (compteurs sur poteau et utilisation d’une interface pour la gestion). Or les compteurs qui sont achetés et installés actuellement sont monobloc et nécessitent d’autres investissements pour être efficaces», peut-on lire dans cette lettre. Ce qui a lieu de se demander s’il y a eu détournement des objectifs du projet pilote financé à partir d’un prêt bancaire de 400 millions de francs comoriens, contracté auprès de la banque postale, Snpsf.

 


Lire aussi : Ma-mwe : Un marché de près de 215 millions de francs sans appel d’offres



Un raison de plus évoquée dans la lettre du directeur administratif et financier du producteur et distributeur public de l’électricité est le fait de vouloir renouveler la commande alors que la société possède un stock suffisant du produit. «La quantité commandée et livrée (soit environ 10.000 compteurs monophasés, 200 triphasés et 30 Mt) est loin d’être entamée au niveau des installations (20 à 25% installés), ce qui conduit à conclure qu’aucune urgence ne s’impose en terme de commande, tant qu’on n’aura pas fait un vrai bilan de ce premier lot», peut-on y lire.

 



 
D’autre part, le Daf a souligné que cet investissement est si «important» (100 millions de francs comoriens) par rapport à cette phase de transition où «nous devons juridiquement assurer uniquement les affaires courantes des deux sociétés nouvellement créées». Le Daf faisait ainsi allusion à la scission de Ma-mwe en Sonelec (Société nationale de l’électricité) et Sonede (société nationale d’exploitation et de distribution des eaux). La direction administrative et financière a ainsi suggéré d’attendre que le stock de ces compteurs soit «réellement entamée (environ 50 à 75%) afin d’apprécier l’efficience et l’efficacité de cette technologie et corriger ou continuer l’opération».


Interrogé à ce sujet, le directeur général de la société d’Etat, Abdou Saïd Mdahoma, a insisté sur le fait que la décision de renouveler la commande des compteurs Sts a été prise en conseil de direction afin d’éviter les ruptures de stocks. «Les directeurs ont accepté à l’unanimité de commander à nouveau. Parce que la première phase du projet, qui visait les nouvelles demandes de branchements, est terminée. La deuxième phase, avec laquelle nous nous servons des compteurs Sts, se basait sur les fraudes et les clients bourrés de factures impayées. Nous procédons directement au changement de compteurs dans ces cas précis», a-t-il fait savoir. Selon lui, la société a décidé de lancer la «phase de changement de compteurs», ce qui nécessite une quantité suffisante vu que les compteurs sont déjà vendus à hauteur «de 30%».


 

Abdou Saïd Mdahoma a déclaré que la somme de 100 millions de francs est «très minime» par rapport aux dépenses quotidiennes de la société.


 

A l’entendre, Ma-mwe débourse mensuellement 400 millions de francs pour le gasoil. «Nous faisons une dépense journalière de près de 18 millions de francs pour le gasoil. Nous pouvons utiliser 200 millions de francs pour la centrale d’Itsambuni. Et puis, Les autorités ont accordé l’idée d’éradiquer les compteurs à disque vu les pertes que subit la société. C’est un investissement utile et fructueux pour la société», pense-t-il.  Il a rappelé que le conseil de direction a demandé la collecte de ce fonds pour cet achat.
Quant au type de compteurs achetés, le patron de Ma-mwe a affirmé qu’aucun compteur Split n’a été installé pour des raisons de complications techniques. «Nous avons jugé bon de continuer les installations des compteurs monobloc car les types Split sont compliqués. D’ailleurs, la différence de sécurité entre ces deux types de compteurs sont de 15%», a-t-il lancé.


Lire aussi : Ma-mwe : Gestion controversée d'un prêt bancaire de 400 millions de francs



Pour la question de l’appel d’offre avant le lancement de la commande, Abdou Saïd Mdahoma estime que traiter avec un autre fournisseur pourrait exposer à nouveau la société comorienne à des difficultés connues tout au début du projet pilote et qui sont déjà dépassées. «A ma place, aucun directeur ne procédera à nouveau à un appel d’offres. Parce qu’il sera question d’harmoniser un nouveau produit au sein de la société. Une phase dépassée aujourd’hui», a-t-il ajouté.
Cette somme, cent millions de francs comoriens, aurait dû faire l’objet d’un appel à concurrence si on se réfère aux seuils évoqués dans l’article 10 du code de passation des marchés publics et qui sont déterminés par un décret d’application. Pourquoi et jusqu’à quand va-t-on continuer à faire fi de l’article 62 du décret portant application de la loi n°11027/AU du 29 décembre 2011 portant passation des marchés publics et délégation des services publics et qui précise «que la passation d’un marché public par voie d’appel à la concurrence est obligatoire lorsque le marché de fourniture est égal ou plus de dix millions de francs comoriens ?»

 


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