D’abord, elle a été consultée avant l’utilisation de l’article 12-3, ensuite l’on lui a transféré les compétences du juge constitutionnel et enfin elle a été saisie pour exécuter celles-ci. L’on a déjà démontré dans ses colonnes l’inconstitutionnalité de toute la démarche présidentielle, l’on aurait donc pu s’attendre qu’à la moindre occasion la Cour suprême sonnerait la fin de la récréation. Force est de constater qu’elle est plus emmenée à servir de canal prolongeant la forfaiture plutôt que d’une digue pouvant la contenir.
Canal pour commencer, d’abord parce que saisie pour avis, elle a manqué à rappeler au président de la République, que la consultation exigée par la constitution ne pouvait être sollicitée qu’auprès de la Cour constitutionnelle. Que n’ayant pas reçu une telle mission, elle ne saurait rendre un avis sur la question.
Au contraire s’est-elle substituée sans fondement dans les prérogatives d’un autre juge. Ensuite, saisie des premières affaires en tant que juge constitutionnel provisoire, elle aurait pu saisir l’occasion pour affirmer dans un arrêt son incompétence. Il eut suffit qu’elle rappelle qu’il n’y a pour toute la République qu’une seule Cour constitutionnelle et que ce n’était pas elle. Ainsi, elle aurait indirectement renvoyé le président de la République dans les cordes de la Constitution.
Enfin, elle a été saisie par un citoyen pour annuler le décret de convocation du collège électoral. Il reste à espérer qu’elle ne manquera pas cette occasion de constater les irrégularités manifestes de cet acte du président. Il ne saurait lui échapper que les Commissions électorales insulaires n’étaient pas renouvelées lors de l’adoption du décret et que surtout, le projet de révision n’a pas été annexé à celui-ci.
Il ne faut jamais désespérer des institutions de la République, surtout pas du pouvoir judiciaire. Que l’auguste juridiction soit une digue contre l’arbitraire pour rétablir l’ordre constitutionnel. Qu’elle se rappelle sa mission : faire appliquer la loi et protéger les libertés. Qu’elle sache qu’elle n’a nul besoin des compétences d’autrui, le législateur organique lui a doté d’assez d’armes procédurales pour protéger l’Etat de droit sans avoir à acquiescer le démantèlement de celles d’une autre.
Contrairement à la Cour constitutionnelle, il n’y a que des hommes et des femmes de droit qui la composent. Des juristes aguerris dont on peut espérer qu’ils se rappellent que le serment, la robe, la balance et le glaive qui sont les leurs commandent à ce qu’ils rendent justice au nom du peuple comorien. Messieurs les juges, ce peuple souffre mais ce peuple est républicain, il s’en remettra à vous. Pour l’instant...
Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public
Chargé d’enseignement à l’Université de Toulon
Du même auteur :
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