Hier, lundi 28 mai, dans une lettre qu’il a adressée au président de la République, le Collectif de la 3ème voie tire la sonnette d’alarme sur la situation qui prévaut dans le pays et revient sur la Décision N°18-020/PR, du 12 avril dernier où Azali Assoumani, a constaté «le non fonctionnement de la Cour constitutionnelle et transfère provisoirement sa compétence à la Cour suprême». Aussi, le Collectif de la 3ème voie déplore qu’à l’heure où le contentieux qui oppose le pays à la France au sujet de l’île comorienne de Mayotte prédomine dans l’actualité et qu’il nécessite plus de mobilisation en interne et de sensibilisation au niveau de la communauté internationale,
nous assistons à l’intérieur du pays à des actes allant à contre-courant de notre discours de défense du droit et de l’intégrité territoriale».
La lettre rappelle que le 6 février dernier «un appel vous a été adressé afin d’attirer votre attention sur l’instabilité que pouvait entrainer une mise en œuvre précipitée des recommandations des Assises Nationales», pour justement avoir le temps de «corriger les dysfonctionnements constatés» tels que «la faiblesse de l’inclusivité et le manque de profondeur d’analyse du diagnostic». Néanmoins, «malgré cet appel et la sensibilisation entreprise auprès des acteurs politiques, nous assistons depuis plus de trois mois à une course effrénée pour faire adopter des recommandations dont la teneur échappe au plus grand nombre».
«Violation des textes»
Le Collectif de la 3ème voie rappelle, par ailleurs, que la «Constitution des Comores s’est choisie deux gardiens : vous et la Cour constitutionnelle. Elle ne vous a pas doté des mêmes moyens mais vous a assigné la même mission, celle de faire en sorte que chacune de ses dispositions soient observée mais aussi, le cas échéant, de sanctionner. Vous êtes en effet selon les termes consacrés par le constituant, l’arbitre et le modérateur du fonctionnement des institutions. Pourtant au nom de cette mission noble, vous avez décidé le 12 avril dernier d’acter la neutralisation de l’autre gardien de la Constitution». Le Collectif affirme que ce sont les spécialistes qui entourent le chef de l’Etat qui l’ont conseillé par conséquent «la responsabilité ne vous incombe pas intégralement».
Le Collectif explique au président que ces conseils ont «été très peu avisés». Une situation qui a conduit, selon la même source, le président à adopter «une décision qui n’est ni justifiée par l’article 12, encore moins par l’article 12-3. Ce qui en fait une décision anticonstitutionnelle, puisqu’aucune des conditions de fond ou de forme imposées par la Constitution ne se rencontraient». Pour le Collectif, il ne s’agit aucunement d’une «question d’interprétation comme certains s’échinent à vous le faire croire, mais bel et bien d’une violation des textes». Il rappellera que la «mission d’arbitre qui vous est reconnue par l’article 12 vous sommait précisément de vous assurer que toutes les institutions sont en état de fonctionner». La circonstance exceptionnelle évoquée dans le blocage de la Cour constitutionnelle n’en serait pas une.
«Revenir sur la Décision»
«La situation exceptionnelle qui justifierait les pouvoirs exceptionnels n’est pas caractérisée puisqu’aucune menace grave et immédiate contre la nation n’en découlait». Et si «jamais l’on devait concéder qu’il s’agit d’une menace, elle est simple et ancienne. Simple, parce qu’il suffit de nommer les membres de la Cour, ancienne, parce qu’elle date depuis juin 2017». Citant plusieurs exigences formelles posées par la Constitution, le Collectif de la 3ème voie rappelle le président de la République que «la décision de transférer les compétences de la Cour constitutionnelle vers la Cour suprême n’est pas conforme à l’article 12-3».
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Aussi, les mesures exceptionnelles ont un objectif précis «celui de permettre dans les moindres délais que toutes les institutions de la Constitution se retrouvent de nouveau en situation d’assumer leurs missions. Or, avec votre décision, il y a toujours une institution qui n’est plus en mesure d’exercer ses compétences».
Le Collectif de la 3ème voie annonce que depuis sa création, il s’est engagé à accompagner toute mesure visant à améliorer la gouvernance du pays cependant, le souci de réformer le pays ne doit pas «aller à contre-courant des principes de transparences et de participation».
Le Collectif de la 3ème voie rappellera le récent message de la communauté internationale allant dans le sens de la préservation de l’état de droit. «C’est dans ce même esprit que nous exprimons nos préoccupations sur toute décision prise à l’encontre de la Constitution. Ainsi, en revenant sur votre décision, vous assumerez pleinement votre mission de gardien de la Constitution et rassurerez la nation sur votre volonté de reformer le pays dans le respect du droit».
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